Ne pas oublier les pièces jointes !

Chez France Terre d’Asile, Pierre Henri, directeur, avait son management à lui. Il utilisait des cadres, responsables de services, avec du personnel. Mais il se considérait comme le moyeu de la roue de la charrette. Elle comportait autant de rayons que de membres du personnel, quel que soit son niveau hiérarchique. En prise directe sur n’importe quel collaborateur, donc ! Cela demandait une vigilance particulière, en particulier pour les cadres !

Dans cette association, mon poste m’amenait à faire faire ce que le directeur avait demandé. Du management transversal, avec une quarantaine de cadres qui, au-delà de leurs personnalités, avaient deux origines bien différentes. La première était classique et c’était – caricature ! – des femmes issues du secteur social. La seconde avait un autre classicisme : c’était d’anciens militaires, le plus souvent officiers. Après leur carrière militaire, ils choisissaient de travailler quelques années dans le civil. Souvent, ils étaient intervenus en ex-Yougoslavie et, Tiens ! Tiens !, ils avaient postulé chez France Terre d’Asile… Les postures militaires les poursuivaient ; certains continuaient de porter leur grade dans leur tête, considérant différemment l’ancien sous-officier et l’ancien officier : tu as deviné dans quel sens allait la considération…

Et donc, à ces deux origines si différentes, je devais infuser les décisions régaliennes. Généralement, cela commençait par un mail – passé au polissoir, plusieurs fois !- envoyé simultanément aux quarante en même temps.

La première fois, j’ai été surpris ; après, je me suis organisé.

Le mail était suivi par une avalanche de coups de téléphones, selon les personnalités de chacun…

Dans tous les cas, j’écoutais silencieusement pour purger le protestataire : remettre un franc – C’est une expression pour laquelle je ne suis pas passé à l’euro — n’aurait servi qu’à prolonger. Le changement, imposé ou non, commence toujours par un refus de celui qui doit changer.

Ensuite, si c’était un militaire, je soldais assez vite le compte par un « Pierre Henri l’a dit. », comme si ce dernier avait aussi été général, en veillant toutefois à formuler la chose différemment. Selon la personnalité du collègue et l’importance du changement, soit il obtempérait, soit il m’annonçait qu’il allait en parler à Pierre.

Quand c’était une femme, la purge nécessitait des arguments que je donnais patiemment, tout en laissant la collègue parler. Et à la fin, cela se terminait comme pour les militaires ou, mieux, sur un autre sujet. Il y avait toujours plein d’os à ronger.

Tout bien considéré, elles étaient plus intéressantes que les hommes.

Dans ce métier-là, j’ai beaucoup appris à soigner ma communication. Bon ! Je continue quand même d’oublier les pièces jointes !


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