Ce matin, un post facebook me dit que les nappes phréatiques ont atteint un niveau jamais connu depuis 2001, en France : elles sont « pleines » !
Donc, maintenant que tout le monde a compris que l’on peut manquer d’eau ; personne ne va plus laver sa voiture, ni se livrer à d’autres activités aquatiques indispensables, du bain à la baignade…
Autre piste, planétaire et donc collectif, communautaire, j’insiste, extraite de Terres des Hommes d’Antoine de Saint-Exupéry et citée grâce à la version numérique proposée par la Bibliothèque numérique romande :
« Nous étions là-bas en contact avec les Maures insoumis. Ils émergeaient du fond des territoires interdits, ces territoires que nous franchissions dans nos vols ; ils se hasardaient aux fortins de Juby ou de Cisneros pour y faire l’achat de pains de sucre ou de thé, puis ils se renfonçaient dans leur mystère. Et nous tentions, à leur passage, d’apprivoiser quelques-uns d’entre eux.
Quand il s’agissait de chefs influents, nous les chargions parfois à bord, d’accord avec la direction des lignes, afin de leur montrer le monde. Il s’agissait d’éteindre leur orgueil, car c’était par mépris, plus encore que par haine, qu’ils assassinaient les prisonniers. S’ils nous croisaient aux abords des fortins, ils ne nous injuriaient même pas. Ils se détournaient de nous et crachaient. Et cet orgueil, ils le tiraient de l’illusion de leur puissance. Combien d’entre eux m’ont répété, ayant dressé sur pied de guerre une armée de trois cents fusils : « Vous avez de la chance, en France, d’être à plus de cent jours de marche… »
Nous les promenions donc, et il se fit que trois d’entre eux visitèrent ainsi cette France inconnue. Ils étaient de la race de ceux qui, m’ayant une fois accompagné au Sénégal, pleurèrent de découvrir des arbres.
Quand je les retrouvai sous leurs tentes, ils célébraient les music-halls, où les femmes nues dansent parmi les fleurs. Voici des hommes qui n’avaient jamais vu un arbre ni une fontaine, ni une rose, qui connaissaient, par le Coran seul, l’existence de jardins où coulent des ruisseaux puisqu’il nomme ainsi le paradis. Ce paradis et ses belles captives, on le gagne par la mort amère sur le sable, d’un coup de fusil d’infidèle, après trente années de misère. Mais Dieu les trompe, puisqu’il n’exige des Français, auxquels sont accordés tous ces trésors, ni la rançon de la soif, ni celle de la mort. Et c’est pourquoi ils rêvent, maintenant, les vieux chefs. Et c’est pourquoi, considérant le Sahara qui s’étend, désert, autour de leur tente, et jusqu’à la mort leur proposera de si maigres plaisirs, ils se laissent aller aux confidences.
« Tu sais… le Dieu des Français… Il est plus généreux pour les Français que le Dieu des Maures pour les Maures ! »
Quelques semaines auparavant, on les promenait en Savoie. Leur guide les a conduits en face d’une lourde cascade, une sorte de colonne tressée, et qui grondait :
« Goûtez » leur a-t-il dit.
Et c’était de l’eau douce. L’eau ! Combien faut-il de jours de marche, ici, pour atteindre le puits le plus proche et, si on le trouve, combien d’heures, pour creuser le sable dont il est rempli, jusqu’à une boue mêlée d’urine de chameau ! L’eau ! À Cap Juby, à Cisneros, à Port-Étienne, les petits des Maures ne quêtent pas l’argent, mais une boîte de conserves en main, ils quêtent l’eau :
« Donne un peu d’eau, donne…
— Si tu es sage. »
L’eau qui vaut son poids d’or, l’eau dont la moindre goutte tire du sable l’étincelle verte d’un brin d’herbe. S’il a plu quelque part, un grand exode anime le Sahara. Les tribus montent vers l’herbe qui poussera trois cents kilomètres plus loin… Et cette eau, si avare, dont il n’était pas tombé une goutte à Port-Étienne, depuis dix ans, grondait là-bas, comme si, d’une citerne crevée, se répandaient les provisions du monde.
« Repartons », leur disait leur guide.
Mais ils ne bougeaient pas :
« Laisse-nous encore… »
Ils se taisaient, ils assistaient graves, muets, à ce déroulement d’un mystère solennel. Ce qui coulait ainsi, hors du ventre de la montagne, c’était la vie, c’était le sang même des hommes.
Le débit d’une seconde eût ressuscité des caravanes entières, qui, ivres de soif, s’étaient enfoncées, à jamais, dans l’infini des lacs de sel et des mirages. Dieu, ici, se manifestait :
On ne pouvait pas lui tourner le dos. Dieu ouvrait ses écluses et montrait sa puissance : les trois Maures demeuraient immobiles.
« Que verrez-vous de plus ? Venez…
— Il faut attendre.
— Attendre quoi ?
— La fin. » Ils voulaient attendre l’heure où Dieu se fatiguerait de sa folie. Il se repent vite, il est avare.
« Mais cette eau coule depuis mille ans !… »
Aussi, ce soir, n’insistent-ils pas sur la cascade. Il vaut mieux taire certains miracles. Il vaut même mieux n’y pas trop songer, sinon l’on ne comprend plus rien. Sinon, l’on doute de Dieu…
« Le Dieu des Français, vois-tu… »
Quelle est donc cette inaptitude de l’espèce humaine, chaque personne prise individuellement, à changer sa façon de faire alors même, et surtout, quand la nécessité de s’adapter et donc de changer, est vitale pour la survie de cette même espèce ? Elle qui est réputée s’être tant adaptée !
Prenons une autre piste, chez un représentant des mammifères (Classe d’animaux vertébrés caractérisés par la présence de fourrure, d’une oreille moyenne comportant trois os, d’un néocortex et de glandes mammaires, dont les représentants femelles nourrissent leurs juvéniles à partir d’une sécrétion cutanéo-glandulaire spécialisée appelée lait – de Wikipedia), le chiroptère, trouvée sur YouTube. Les chercheurs savent que la chauve-souris, aveugle, se localise grâce aux ultra-sons qu’elle envoie dans l’air et dont elle analyse l’écho. Ils se sont demandés ce que ferait une chauve-souris dans un milieu dont on aurait changé le gaz. Gaz choisi pour avoir une vitesse de transmission de l’ultrason différente de celle de l’air. Ils ont choisi l’hélium.
Et tous les chiroptères, tant celui pris adulte que celui qu’on a toujours fait vivre dans une atmosphère d’hélium, ont eu le même comportement. À cause de la vitesse de transmission dans l’hélium, le mur à un mètre était systématiquement détecté 30 cm avant.
Pas d’adaptation.
Et je m’interroge sur cette espèce invasive, capable de changer de lieu à raison de 25 km par génération (Michel Serres raconte cela très bien dans Récits d’humanisme, je crois), apte à vivre dans les glaces du Groenland et à l’équateur, et incapable de se rendre compte, collectivement, qu’elle génère sa propre disparition après en avoir fait des tonnes sur l’importance de la génération, de la transmission – de la sexualité à la généalogie : d’abord, on fait sans notes. Ensuite, on cherche les preuves. Idiot-. Inhumaine cette espèce, et avec elle-même, en plus.
Pas positif cela. Et j’en fais partie.
Toi aussi.
Nous !
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